Cours du Chaos : Lystrella et Tristan

Lystrella trouve facilement son cousin, il suffit de suivre le doux fumet du déjeuner... En effet, des victuailles ont été disposées, à base de viandes et de fruits. De quoi se remplir le ventre et tenir toute une journée de travail. Un serviteur achève de disposer des couverts et de remplir des carafes d'un liquide orange, puis semble attendre ensuite la permission de son seigneur pour se retirer. Ce dernier est en pleine concentration. Après avoir préparé et installé méticuleusement un matériel impressionnant, il est en train de travailler sur ce qui doit être, d'après les dimensions, un atout. Sa concentration est totale et il est comme étranger à son environnement. Certains soupirs témoignent qu'il n'est pas totalement satisfait et que l'exercice n'est pas simple.

En s'approchant davantage, la princesse de Marbe réalise qu'il travaille sur un portrait de Cassandre. L'usage de métaux, de gris et de noirs ne laisse aucun doute. Seule couleur, le bleu profond des reflets de la chevelure de la meurtrière. Mais Lystrella ne peut s'empêcher de trouver le portrait légèrement raté, pas au niveau artistique, mais plutôt de la ressemblance, de l'exactitude. Les traits, les proportions et la tenue sont rendus fidèlement. Cependant, la posture n'est pas celle que la fille de Caine a pu observer quand elle a vu la guerrière à l'oeuvre. Là, elle parait poser de manière un peu raide. Le visage est aussi peut-être trop neutre, trop lisse, quand Lystrella a observé une détermination absolue, de la haine mais aussi une forme de tristesse. Elle n'est pas prête d'oublier cette voix donnant froidement l'ordre de tuer Rinaldo et la colère quand elles se sont battues...

Rhooo... Une perche tendue ?

Tristan finit par remarquer la présence de sa cousine.

- "Lystrella ? Je vais bientôt vous demander de poser pour que je puisse dessiner votre atout. Cela pourrait être utile. Comme vous pouvez le voir, je n'arrive à rien avec celui de Cassandre... Qui serait encore plus utile. Esquisser un portrait de mémoire reste une gageure ! Hum... À moins que vous puissiez corriger mon brouillon ?"

Intéressant, je l'avais vu comme cela aussi.

-"En fait, Tristan, je n'osait vous faire la remarque quand à l'expression de son visage ou le port bien trop rigide pour être celui de l'authentique Cassandre."

Puis de continuer après un bref moment d'hésitation et un rapide coup d'oeil par dessus son épaule :

-"Il se trouve que cette nuit je me suis entretenu avec elle en songe ! Ne vous méprenez pas. Je n'ai pas rêvé d'elle, mais l'expérience que j'ai vécu était bien plus proche de la réalité que n'importe quel cauchemars... Je ne sais comment cela ce peux mais je développe une étrange propension à ne plus douter de faits, à première vue, irréel.

La main de Tristan se crispe sur son fusain. Le jeune prince se détourne de son lutrin pour regarder sa cousine.

- "Nous nous trouvons dans les Cours du Chaos. Distinguer ce qui est réel de ce qui ne l'est pas... n'a rien d'une sinécure, croyez-moi. Et un éventuel contact avec un de nos ennemis ne peut être pris à la légère. Que pouvez-vous me dire sur cet étrange conversation onirique ?"

Où sont les sorciers quand on a besoin d'eux ? Pour une fois, Tristan aurait apprécié la compagnie d'un certain rouquin crétin.

Lystrella tire à elle un tabouret.

-"J'ai cru me réveiller normalement et je suis descendu comme ce matin. Le bâtiment était entièrement vide et lorsque que je me suis rendu à l'extérieur je suis tombé sur Cassandre en personne."

-"J'ai cru devoir en découdre mais celle ci était venu parlementer. Me proposer une alliance pour se tailler un royaume de nos mains. Elle déteste Ambre et son système prompt à punir les faibles mais laissant libre un meurtrier jouissant de puissant soutiens. De plus l'idée même de cette famille semblait la dégoûter."

-"Elle avait l'air convaincu du bien fondé de son action et de ses chances de réussite. J'ai tenté de la ramener à la raison mais malheureusement je savais cela peine perdu."

La jeune princesse dévisage son cousin.

-"J'ai vu dans son regard de la colère mais aussi beaucoup de tristesse. La perte de sa mère l'a rendu ivre de vengeance mais elle ne semblait pas dénué de raison. Elle m'a dit d'ailleur que Ambre ne l'intéressait pas, juste qu'elle se préparait à sa réponse."

Pendant que Lystrella parle, la main de Tristan continue de dessiner, machinalement, comme si Tristan essayait sans s'en rendre compte de corriger le portrait de Cassandre d'après la description que lui fait son invitée.

- "Je ne sais pas ce qui m'inquiète le plus. Ce que vous me révélez sur cette fille de Deidre... ou le fait qu'elle puisse vous parler ainsi, à travers les ombres, dans vos rêves. Cela aurait-il un lien avec l'esprit tapi dans sa rapière ?  Quelle sorcellerie est à l'oeuvre ?"

Tristan baisse les yeux sur son dessin.

- "J'espérais moi-même l'espionner via son atout... si j'arrivais à le dessiner, bien sûr."

Un esprit tourmenté, obsessionnel. Et plein de contradictions. Pour venger sa mère, morte en protégeant Ambre, il fallait donc... détruire Ambre ?  Un enchaînement tragique l'avait peut-être conduit là. Tristesse, déception, dégoût, haine. Mais de quel système parlait-elle ?  Quel faible aurait été puni par Ambre ?  

Tout en contemplant son dessin, Tristan poursuit.

- "Nous avons cruellement besoin d'informations. Elles sont le nerf de la guerre, bien plus que l'or et l'argent. Car, d'après ce que m'a dit ma mère... Nous arrivons en pleine guerre civile, ou peut s'en faut."

Si seulement cet Atout voulait bien marcher !

Pour répondre à Vincent : pas de soutien ? un maître du Logrus, un puissant esprit dans une rapière... moi je dis qu’elle est de mauvaise foi et pis c’est tout.

Pour répondre à Jean-Yves : c’est bien ce que j’avais compris aussi. Même si « permance » c’est pas français. Mais espionner les conversations d’atout c’est déjà un début !

Après un silence, Tristan reprend.

- « Vous pouvez prendre la pose, que je vous explique la situation pendant que je dessine votre propre atout ? »

-"Avec plaisir. Mais ne voudriez vous pas finir celui de Cassandre avant ?"

Le jeune prince laisse échapper un soupir.

- "Mes souvenirs de Cassandre ne suffisent pas. Je n'arrive pas à, comment vous l'expliquer... à capturer, entre des traits de plume ou de fusain, l'expression du sujet, l'essence de son âme. Je ne l'ai pas assez côtoyée pour me faire une idée claire à son sujet. Les théories variées que j'ai élaborées sur son origine et son caractère m'encombrent sans doute. Ma confusion se retrouve sur le papier."

L'artiste contrarié plonge son regard dans les yeux perçants de sa cousine.

- "Il existe peut-être une solution. Nous pouvons partager nos impressions de la fille de Deidre. Mais, pour cela, mon esprit va devoir effleurer le vôtre. Acceptez-vous de maintenir un contact visuel, tout en vous concentrant sur vos souvenirs de Cassandre ?"

Lystrella hésite un instant, soutenant le regard de son cousin.

- "Si vous pensez que l’expérience peut être concluante je n'y vois pas d’inconvénient. Toutefois, je vous rappelle que je suis quelqu'un aux motivations simples et que mon esprit est surement bien moins retors que bon nombre de membres de notre famille. Mes impressions et mon ressenti pourrait vous déstabiliser !" Sur ces dernières paroles la jeune ambrienne décoche un sourire charmeur à son cousin.

Tristan lève la main droite, l'index tendu vers le haut. Il agite le doigt de gauche à droite, en signe de dénégation. Un sourire se dessine sur ses lèvres.

- "Dans d'autres circonstances, je devrais vous apprendre les vertus de la dissimulation et de la duplicité, chère cousine. Mais, dans le cas présent, votre honnêteté vous honore."

Avec délicatesse, l'artiste des Atouts approche sa main de la joue gauche de Lystrella, le pouce effleure le menton, l'index se pose sur la tempe. Le fils de Zorah Zeydon se rappelle les diverses expériences d'hypnose et de mentalisme tentées dans l'industrieuse Plaisance de l'Esprit. Il choisit une technique d'induction progressive. Il regarde sa cousine droit dans les yeux. Les mots s'égrènent, limpides, sur un rythme lent et régulier.

- "Respirez profondément. Concentrez-vous sur ma voix. Vous vous détendez.  Rappelez-vous de Cassandre. Telle que vous l'avez côtoyée, à Ambre. Telle qu'elle vous est apparue, dans votre rêve. Décrivez-la, à nouveau. N'omettez aucun détail. Tout peut être important. Mais ne vous inquiétez pas. Nous avons tout notre temps."

Tristan mobilise toute son énergie mentale pour étendre ses sens, puis se focalise graduellement sur sa cousine. Il tente d'atteindre sa mémoire.

Lystrella se plonge dans le regard de son cousin, un brin trop maigrichons se dit elle un cours instant.

- "Elle à une stature élancé et un port plus martial. Sont teint laiteux et ses cheveux noir contraste avec un regard intense et passionné. Beaucoup de ses sentiments passe par son regard. Elle est déterminé et haineuse envers Ambre et les complices de l'oublie de sa mère dans les limbes. Son habit peut se transformer. Pour l'occasion, et j'avais déjà eu l'occasion de la voir lorsque nous étions en présence de Rinaldo, c'était une armure à pointe argenté tel du mercure et elle était scinte d'une épée longue.
Cassandre est plus feu et glace, bouillante d'agir mais réfléchie et tempérée. Elle souffre de sa condition et espererait sûrement avoir vécu différemment je pense. Sa volonté est forte, je ne l'ai jamais vu hésité sur ses propos ou vis à vis de ses réactions mais j'ai vu de la tristesse voir même peut être du désespoir dans ses yeux. Peut etre même est elle habité par une sorte de folie. Je me rappelle qu'à notre première altercation elle à exprimé un plaisir dément à la réussite de son plan."

- "Je la sent sans réelles attaches. Elle a certes de l'aide voir même des soutiens en Ambre. Mais elle est seule, sans famille. Peut etre même une autre personne tire les ficelles, profitant de cette part de fragilité."

- "Je me reconnais en elle et j'ai de l'affectation à son encontre. Mais je ne cautionne en aucuns cas ses manières. Encore un travers de nos aïeux. Comploter, se révolter, mentir, assassiner... Elle veut faire justice en employant les méthodes du système qu'elle dénonce."

- "J'ai jugé son offre sincère, peut être à tort car je suis là première qu'elle a abusé, mais elle se fourre le doigt dans l'oeil jusqu'au coude si elle pense que je conçois sa façon de faire !"

En un souffle à peine, Tristan cligne des yeux et écarte sa main, rompant le contact. Ses lèvres serrées laissent échapper quelques mots.

- "Je vous remercie pour votre aide."

Concentré, l'artiste des atouts retourne à ses brouillons, essayant de reporter sur la papier la description de Lystrella et les impressions que les deux cousins ont partagé. Une personne seule, fiévreuse, prise au piège de la vendetta...

L'artiste enfin satisfait manifeste sa satisfaction par une exclamation aussi brève qu'extatique.

- "Oui !"

Il met l'Atout au propre. Ce qui ne consomme guère de couleurs...



Tout en maniant la plume et le pinceau, il renouvelle ses remerciements à Lystrella.

- "Sans vous, chère cousine, je n'y serais pas arrivé. Bien. Nous disposons déjà d'un moyen discret d'espionner Cassandre. C'est un début, mais cela ne suffira pas. Nous allons sans doute devoir mener une enquête plus directe... Hmm..."

Le jeune prince hésite un instant.

-"J'avais évoqué la guerre civile qui déchire l'Empire. Ma mère m'a en effet raconté ce qu'il s'est passé, par ici, pendant mon absence. Il est possible que Cassandre ait partie liée avec la petite maison à l'origine de la crise actuelle..."

Lystrella affiche un sourire particulièrement ravie à l'encontre de son cousin.

- "Voyez vous quand j'évoquais son manque de soutien, c'etais vis à vis de nos aînés. Cassandre aurait des alliés au chaos que cela ne m'étonnerait pas. Sa mère étant tombé dans ces contrées, peut être quelqu'un l'aura rencontré lors d'un recueillement ou que sais-je."

La jeune capitaine se redresse, déplace son tabouret, pose un pied dessus, puis se penche en avant posant son coude sur son genoux surélevé.

- "Je pense qu'elle a aussi des partisans parmis les cousins ou cousines, en y repensant elle avait l'air au fait des affaires que menait Rinaldo."

-"Sinon je veux bien poser cher cousin..."