Palais d'Ambre, Bérenger et Astragor

-"entrez"

Bérenger ne se fait pas prier, et entre aussitôt. Il enlève son chapeau à plume et salue Astragor.

- "Cher cousin, ce n'est que moi. J'ai bien avancé ton affaire. Sa majesté la reine Viale, ta tante par alliance, va bientôt te recevoir. Nous sommes attendus dans un salon privé. Compte tenu de ton origine mystérieuse, la Cour doit faire preuve de discrétion avant d'officialiser l'existence d'un nouveau membre de la famille. Dès que tu seras prêt, nous pouvons y aller. De toi à moi, autant ne pas faire attendre la famille."

-"d'accord, je te suis. Tu m'aides avec cette veste ?"

Astragor habillé et présentable, les deux Ambriens franchissent à grandes enjambées une partie du palais. Arrivés dans la grande salle, Bérenger introduit le nouveau venu dans un petit salon attenant. La pièce est meublée comme un coin de lecture : deux gros fauteuils, un guéridon et quelques étagères.

Face à eux, un colosse habillé de velours vert profond se tient appuyé nonchalamment sur une petite bibliothèque et les accueille d'un léger hochement de tête. Non loin de lui, assise dans un fauteuil massif au tissu bordeaux, une belle et jeune femme habillée d'argent sirote dans un vers à vin de cristal. La lumière des lampe met en valeur son épaisse chevelure noire, traversée de reflets verts. Elle prend la parole :
- "Sois le bienvenu parmi nous. C'est toujours avec plaisir que nous apprenons, même si les circonstances sont parfois rocambolesques, que notre famille est sans fin. Pour l'instant, la reine est occupée et elle nous a demandé de nous occuper de toi. Vois-tu, tu arrives pendant une période... compliquée et tu comprendras surement que nous prenons quelques précautions. Veux-tu boire ou manger quelque chose ? Je suis certaine que tu as beaucoup de choses à nous raconter, notamment quelques précisions d'ordre généalogique."

Je fais une révérence de cour polit, et je reste à distance respectueuse

-" je suis Astragor, fils Divin de la 13ème dame de l’Arcana Gena ANCHAR, Surveillante de la plaine des ossements. Ainsi, vous connaissez mon père ?"

Le visage de la jeune fille se crispe légèrement, puis elle répond :
- "Malheureusement non. Et crois moi, le contraire nous faciliterait la vie. La seule chose dont je suis certaine, c'est que tu portes la marque de la Marelle en toi, ce qui fait de toi un membre de la famille. Le niveau de proximité de Dworkin, notre aïeul commun, reste encore à définir..."
Derrière elle, le colosse reste impassible, avec juste un léger sourire amusé sur le visage.

Bérenger s'aperçoit qu'un silence pesant menace la conversation. Il ne sait trop quoi dire. Après tout, c'est à Astragor de s'expliquer et de se présenter. Il craint qu'intervenir ne lui soit reprocher. Cependant, un silence persistant rend toujours Bérenger nerveux. Un léger badinage ne saurait décemment être critiqué. Et c'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule. Il se fend d'une profonde révérence devant son oncle et sa cousine, et balaye le sol avec le plumet de son chapeau.

-"Lorsque j'ai appris, en lisant son esprit, qu'Astragor était bien membre de notre famille, je dois avouer que les bras m'en sont tombés. Il est toutefois plus facile de se remettre d'une stupéfaction que d'un véritable bras tombé, heu, coupé."

Bérenger désigne avec son chapeau le bras manquant d'Astragor.

- "Veuillez excuser Astragor, il a eu une dure semaine. Cependant, il est sûrement intimidé par des membres de la famille qu'il ne connaît pas."

Bérenger se glisse de côté, et désigne à Astragor la jeune femme et le colosse. Il parle lentement, comme si Astragor se remettait d'un choc à la tête, ce qui n'est pas si éloigné de la réalité. Une intrusion mentale cause toujours de sacrées migraines.

-"Astragor, je te présente deux illustres membres de la famille, la Princesse Nora, altesse des deux royaumes miroirs: Ambre et Rebma, et le Prince Dalt le Lion, brillant général et baron de la Passe du septentrion. Tu devrais leur raconter ton enfance, et tout ce que tu sais de ton parent ambrien."

Bérenger se tourne vers Nora et Dalt.

-"Bon, déjà, son parent ambrien est à priori un homme, il devrait être possible d'affiner son portrait avec plus d'informations."

Je souris, presque ricane

-"Ma mère, a du quitter sa position au cours pour s'exiler dans la plaine des ossements, un vaste désert, remplis des mystiques des cours à la recherche d'une illumination. On dit que l'on peut y trouver la vision de l'avenir.
- Mon enfance est celle d'un Noble des cours en exil, la famille de ma mère m'a toujours fait remarquer mon statut de bâtard, les rares fois où on a eu des visites.
- Mon père, je ne sais même pas à quoi il ressemble, Ma mère a inventé des histoires de Divinité pour calmer mes questions d'enfant.
- Pour l'empreinte de la marelle, j'ai juste eu le droit de passer l'épreuve avec une voix masculine, m'expliquant la règle "tu avances ou tu meurs".
- La suite est une chasse dont j'étais le gibier.
- Notre ennemi semble vouloir exterminer le sang de Dworkin. Ils m'ont maintenus en vie car ils avaient besoin de mon sang en grande quantité, plus que des renseignements. Puis il y avait, cette excavation, ce trou qui semblait descendre vers un lieu très important pour eux.
- Voilà, des questions ?"

A ce récit, le visage de Nora se crispe légèrement. Difficile de dire si elle est surtout dérangée par l'absence d'informations sur le père d'Astragor ou sur ses origines maternelles... Elle finit même pas de frotter les yeux entre le pouce et l'index.
C'est Dalt qui reprend, le ton bourru :
- "Quelle est cette histoire de sang, et d'excavation ? Et surtout, comment vous-êtes vous rencontrés ?"

Bérenger se demande s'il a vraiment gagné à échanger Emetrios contre Astragor. Aucun des deux ne semble doué pour se faire des amis. Heureusement, rien de tel qu'une anecdote mystérieuse pour alléger l'ambiance. Bérenger répond à Dalt d'un ton songeur.

- "Eh bien, si nous jouons à "Qui est son père", je dispose d'un indice important, le récit de notre rencontre."

Bérenger hausse un sourcil et lisse sa moustache.

- "Son père, ou du moins quelqu'un de motivé pour le sauver, a fait preuve d'un talent certain, allié à une totale discrétion. Il a forcé mon cheval, Rouxpoil, à me retrouver, puis à m'amener sans délai devant la prison où séjournait Astragor. J'ai vite compris que j'étais là pour sauver l'ahuri, pardon Astragor, qui avait surgi au sommet du donjon. En bref, c'est ce que j'ai fait, et le voilà."

Une grimace vient troubler les traits de Bérenger.

- "A dire vrai, j'étais dans une position délicate avant l'arrivée de Rouxpoil. Même si me porter assistance n'était qu'une conséquence secondaire du plan de secours d'Astragor, j'ai considéré avoir une dette envers son auteur. J'ai ramené cet individu, et je garantis son appartenance à notre famille. Ma dette est réglée. Et j'aurais volontiers deux mots à dire à l'individu qui me prend pour la poste. Livrer des colis encombrants n'est pas ma tasse de thé."

Bérenger se permet un léger ricanement.

- " Enfin, j'ai vu le gouffre dont parle Astragor. Je ne sais ce qui s'y tramait, mais l'ombre semblait sur le point d'être engloutie, la magie vacillait telle la flamme d'une bougie malmenée par la brise, et cet... Abîme semblait être au centre du phénomène."

Bérenger insiste fortement sur le mot Abîme, histoire d'être bien compris.

Cette fois c'est Nora qui répond, intriguée par les propos de Bérenger.
- "Pour faire ceci, il faut être un puissant sorcier et te connaître suffisamment, ainsi que l'existence de Rouxpoil. Cela ressemble fortement à la manière d'agir de ton père non ? Si ça trouve, tu as libéré ton frère, ajoute-t-elle, sarcastique."

Dalt se contente de sourire avant de s'interroger à son tour :
- "Tu ferais un lien entre ce qui se passe dans cette ombre et l'Abysse des cours ? Si c'est le cas, cela peut expliquer logiquement la première attaque contre Emetrios : il se trouvait trop proche et la tentative de le faire disparaître était plutôt une volonté de se débarrasser d'un témoin ou d'un gêneur. Il semblerait que vos ennemis n'hésitent pas à faire des prisonniers, selon les circonstances."
Puis, s'adressant à Astragor :
- "Et toi désormais, que souhaites-tu faire ?"

Rodolphe ???

-"Faire connaissance avec la famille et ses coutumes,
Apprendre plus sur cette empreinte de pouvoir,
Récupérer des forces,
Me venger,
Retourner auprès de ma mère.
Plus ou moins dans cette ordre.
Auriez-vous quelques conseils à me donner ?"

Dalt pousse un petit soupir résigné :
- "Bien. Je vais te servir de chaperon pendant quelques temps. En cette période tumultueuse, il te faut une escorte et une surveillance. Et puis, ton élocution étrange risque de te porter préjudice. Cela risquerait de te faire découvrir les coutumes les moins agréables des Ambriens".

-"je vous en serai grès, votre altesse Dalt."

Le regard de Bérenger se voile lorsque Nora suggère avec malice qu'Astragor pourrait être son frère. Toutefois cela ne colle pas avec un élément lu dans l'esprit du manchot. Il réfléchit pendant le dialogue entre Dalt et son supposé frangin. Puis il répond à Nora.

- "Chère cousine, Astragor a un protecteur qui pourrait être mon père, ou pas. Cet individu l'a rencontré plusieurs fois dans le passé, en faisant en sorte qu'il ne se souvienne pas de son apparence. Il lui a dit que son père ne pouvait le protéger et qu'il veillait sur lui en attendant des jours meilleurs. Mon père pourrait agir ainsi. Sa sorcellerie lui permettrait d'envoyer Rouxpoil, qu'il connaît assez bien, et de faire oublier ses traits à Astragor. Cependant, il n'est pas le seul suspect. Julian est ainsi un spécialiste des chevaux, et son sens du devoir pourrait le pousser à protéger un fils d'un oncle disparu : Éric ou Caine."

Bérenger sourit.

- "S'il s'agissait de mon père, ce dont je doute un peu, Astragor pourrait être un fils de Brand, ce qui expliquerait pourquoi son protecteur se la joue si discret."

Nora esquisse un petit sourire amusé à la réponse de Bérenger. Cette dernière semble avoir hérité du gout des aïeuls de la famille pour ce genre de duels. Elle se tourne alors vers son oncle :
- "Cela vous fait donc une série de pistes à creuser. Et si la dernière hypothèse est vraie, nous aurions un frère de Rinaldo parmi nous. Puis, en regardant Astragor : Dans tous les cas, qui que soit votre père ou votre protecteur, il a désobéit à un ordre direct du roi, puisque tous les princes d'Ambre devaient être présentés pour cette si charmante cérémonie...

A ces mots, la porte du salon s'ouvre et un serviteur entre :
- "La reine Vialle souhaite réunir toutes les princesses et les princes présent au palais : Callistra vient d'envahir Kafsha !"

Bérenger s'approche tout près de Nora, et lui murmure à l'oreille.

- "Je suppose qu'une fois devant Vialle, pousser Astragor en avant et crier "et voilà l'héritier légitime de Kafsha" ne serait pas approprié. Dommage, cela aurait été assez drôle."

Il fait un pas de côté et s'adresse à la cantonade.

- "Je crains qu'il ne faille interrompre pour un moment notre si aimable conversation. La reine a besoin de nous. Mais j'espère de tout coeur la reprendre tantôt."

Quelques minutes plus tard, l'assemblée se retrouve dans la salle du trône. Les membres de ce conciliabule semblent être les derniers. Dalt en profite pour expliquer doucement à Astragor qui sont les membres présents :
- "Sur la droite, le grand costaud, c'est Gérard. Il commande la marine d'Ambre. Juste à côté de lui, plus sec et moins avenant, c'est Julian. Il est le gardien de la grande forêt d'Arden."

En ajoutant Astragor, Bérenger, Nora et Dalt, ce sont les seuls membres de la famille royale présents. D'autres hauts dignitaires du palais sont présents mais le conseil est très restreint. En attendant l'arrivée de la reine, les regards se rivent sur le nouveau venu.

Bérenger soupire. Avant de présenter Astragor, puisqu'il faut bien que quelqu'un le fasse, il étudie les visages de Julian et Gérard, deux candidats potentiels au rôle du Protecteur Mystérieux. Bleys tient la corde pour le moment, mais rien n'est joué, tout peut se passer dans la dernière ligne droite, comme dans une course de chevaux. Bon, ce serait nettement plus simple avec des canassons.

-"Vos altesses, Prince Gérard et Prince Julian, je dois vous présenter un nouveau membre de la famille, à l'ascendance indéterminée. Il a passé la Marelle à Tir Na Nog, mais ignore qui est son père. Il s'appelle Astragor, sa mère est de petite noblesse chaosienne, Surveillante de la plaine des ossements ou quelque chose du même tonneau. Bref, je l'ai récupéré alors qu'il s'échappait d'une prison tenue par un sorcier ennemi. Sans doute un allié de Cassandre. Heu.. l'ennemi, pas Astragor."

Pendant qu'il laisse sa langue bavasser, il observe attentivement ses deux oncles, au cas où une réaction inhabituelle éveillerait son attention.

Astragaor fait une révérence polie et attend la suite
Il a un regard pensif qui pourrait impliquer un meurtre

Peu de temps après, Vialle pénètre dans la salle du trône. Une fois de plus, quelqu'un qui ignore sa cécité pourrait mettre plusieurs minutes à se rendre compte du handicap de la reine. Elle se dirige seule vers le trône voisin de celui de son mari et scrute la pièce comme si elle en percevait chaque détail. Dans le passé, aussi loin que portent les souvenirs, jamais une reine n'a eu autant d'influence au palais et dans Ambre toute entière... Sa voix douce brise le silence qui s'est installé :

- "Le roi vient de me contacter depuis Kafsha. Callistra, comprenez Florimel, vient de faire pénétrer des troupes dans le royaume. D'après eux, il s'agirait de protéger le royaume contre une agression extérieure le temps que la situation politique se stabilise... et d'une ingérence d'Ambre puisque leur roi est mort dans notre palais."

Elle s'interrompt quelques instants, pour laisser le temps à tout le monde de bien assimiler l'information. Lorsqu'elle reprend, ses yeux blancs se posent particulièrement sur Dalt :

- "Le royaume voisin d'Eregnor a déjà envoyé des diplomates pour approuver l'action de Callistra. Ambre est marginalisé dans le cercle, qui pourrait vite se transformer en une prison... Pour l'instant, Random souhaite que nous restions neutre et que nous calmions le jeu. Il n'est pas prévu d'intervention militaire. Les rumeurs se répandent déjà en Ambre et dans les environs : il faut que vous pesiez chaque mot que vous prononcerez".

Bérenger comprend vite, pas besoin de lui expliquer longtemps. Il n'a pas besoin que la Reine mette les points sur les i et les barres aux t. Il sait où elle veut en venir. Fidèle sujet d'Ambre, il va obéir à son ordre direct. Mais pourquoi tant de haine ?

- Votre majesté, j'ai parfaitement compris la situation. Le temps de faire mes bagages, je suis parti dans l'heure. S'il n'y a personne pour m'entendre, ma langue ne pourra fourcher. La réputation d'Ambre restera intacte.

Bérenger se fend d'une révérence impeccable, et se dirige vers la sortie d'un pas rapide.