Salle du conseil, après le conseil, Lystrella, Tristan et Random

La salle du conseil s'est vidée petit à petit.
Bleys s'est éloigné avec ses enfants et annonce qu'il vous rejoindra au petit matin, pour le départ.

Random s'attarde quelques instants avec vous, prenant au passage un peu de repos dans un fauteuil.
- "Vous allez devoir marcher sur des œufs. Officiellement, les relations entre Ambre et les Cours se sont normalisées depuis la guerre de la Marelle. Certains pensent même que l'accession de Merlin au trône va pouvoir encore améliorer les choses... Je ne partage pas cette analyse. Je n'ai pas été l'élève de Dworkin le plus assidu mais j'ai bien compris que nos univers sont antinomiques, et opposés par essence. Même si du temps a passé, pour beaucoup de vieilles familles du Chaos, notre famille est issue d'une lignée de traîtres qui concurrencent leur puissance. Si ces attaques ne sont pas dues à une famille influente, ou si elles ne viennent pas du tout des cours, toute accusation à la légère pourrait raviver les tensions. Je ne suis pas non plus persuadé que la loyauté à Merlin soit réellement majoritaire. Bref, il va bien falloir jauger l'équilibre des forces. Et pour le moment, je n'ai pas spécialement envie d'une guerre sur deux fronts."

Tristan s'autorise un léger sourire.

- "Il serait vain de chercher une quelconque constance dans les Maisons des Cours, ou même un dénominateur commun... à part un certain ordre aristocratique, sans doute. Un philosophe pourrait d'ailleurs écrire un traité tout à fait fascinant sur l'ordre dans l'Empire du Chaos - et le chaos dans le Royaume de l'Ordre. Enfin, qu'une Maison au moins souhaite notre perte est probable. Le traumatisme de la défaite pourrait expliquer les moyens tortueux employés pour nous affaiblir. Cela étant dit..."

Tout en parlant, le jeune duc range ses croquis.

- "Le chemin jusqu'aux Cours est long. Même le trajet jusqu'à une ombre où mes atouts seraient à portée de la Passe où j'ai grandi prendra un certain temps. Dois-je me charger de la logistique de l'expédition ?  à moins que mon oncle Bleys ne préfère s'en occuper ? "

- "Peut-être notre oncle à une carte dans sa manche ! Renchérit Lystrella avec un clin d'oeil à son cousin. Enfin surtout si celle ci représente un point lointain d'Ambre et plus proche des cours comme Ygg par exemple...

- "Plus sérieusement mon Roi, j'aimerais vous présenter mes excuses pour avoir été l'instrument du tel acte sous votre toit. J'ai peut-être fait preuve d'une trop grande naïveté et cela vous aura nuit. Cassandre ne pouvait trouver meilleur pigeon..."

Random écoute les excuses de Lystrella, en restant imperturbable.
- "J'accepte les excuses à titre personnel, et je sais que tu n'es pas directement responsable de ces actes. Néanmoins, tu as été naïve et Rinaldo n'était pas n'importe qui. Je ne sais pas encore comment la situation va évoluer mais je n'aime guère ce qui se profile : le sort de Kafsha, ces attaques, les manigances de Flora... Je partage toutefois certains soupçons : Cassandre était trop bien renseignée. Je me demande si mon frère ne s'est pas laissé abuser encore davantage que toi. Dès qu'il sera tiré d'affaire et que j'aurai un peu de temps, il faudra une entrevue. J'ai besoin de savoir ce qu'il a dit à Cassandre pour déterminer si elle avait une autre source d'informations...

Le roi se tourne ensuite vers son fils.
- Bleys n'est pas rentré dans les détails mais il avait l'air de prendre les choses en main. Tristan, je pense que tu peux te reposer sur lui. Arrivés aux cours, par contre, tu devras faire appel à tes propres ressources. Je pense que mon frère a son propre agenda et si tu peux le tenir un peu à l’œil, ça n'est pas plus mal. Je sais que je peux te faire confiance. Je vous laisse à présent. N'hésitez pas à me contacter si nécessaire. Reposez-vous avant de partir, je pense que vous aurez besoin de toutes vos ressources."

Sur ces mots, ponctués par un sourire las et sans joie, le roi quitte la pièce.

Lystrella se décolle péniblement du mur sur lequel elle était appuyée. A première vu il semblerait qu'elle était à deux doigts de fusionner définitivement avec la tapisserie !

- "Alors Tristan, as tu besoin d'un quelconque coup de main pour préparer notre départ ? Je ne serai pas contre un petit topos de cours même si notre voyage sera l'occasion de faire le point ! Dans le cas contraire, j'aurai bien besoin d'un peu d'exercices. Une nuit dans les cachots d'Ambre est bien trop monotone pour une personne comme moi."

Le jeune duc se tourne vers sa cousine.

- "Un petit topo sur les Cours du Chaos ?  En toute franchise... Même si votre requête est bien compréhensible,  je ne suis pas sûr de pouvoir y donner suite maintenant. J'ai des dessins à terminer. Et des bagages à préparer. Surtout, vous ne réalisez peut-être pas la difficulté de la tâche. En soit, résumer un empire aussi vaste et complexe, aux seigneuries disparates, séparées par des frontières des plus ténues, n'est pas chose aisée. De plus, j'ignore quelles sont vos, comment dire ?  Références culturelles ?"

Malgré tout, Tristan s'attarde un instant.

- "Mais autant vous préparer. Les Cours ne ressemblent à Ambre que par leur aspect aristocratique. Les fastes, les obligations et les travers de la noblesse n'y sont guère différents. Je ne vois par contre que peu d'autres points communs. Ambre est minuscule en comparaison de l'Empire. Mais jouit d'un climat bien plus prévisible. Manipuler les ombres ou voyager parmi elles demande beaucoup de temps, ici. Là-bas, vous devrez faire  attention où vous mettrez les pieds. Vous pouvez vous retrouver tout d'un coup dans un autre monde, régit par des lois extravagantes, où l'air devient acide, où le sol se dérobe et se replie sur lui-même, où vous semblez léger comme une plume ou lourd comme une enclume..."

Tristan ricane.

- "Je ne veux pas dénigrer l'endroit où j'ai grandi. Mais vous devez comprendre : les merveilles dont regorgent les Cours sont destinées à leurs aristocrates, capable de manipuler à la fois la réalité et  leur propre corps, ou aux démons qui les servent. Si vous ne savez pas changer de forme, la vie là-bas peut être frustrante. J'en sais quelque chose. Bref, équipez-vous comme si vous partiez en expédition dans quelque contrée fabuleuse, où à chaque instant tout peut arriver : l'attaque d'un prédateur, une tempête de feu ou une invitation à dîner. Par ordre croissant de dangerosité."

Le fils du roi fait un clin d’œil et s'en retourne dans ses quartiers.